Difficile mesure du recul des glaces.

En climatologie, les bonnes nouvelles peuvent ne pas s'avérer si bonnes qu'elles en ont l'air. Ainsi de celles apportées par les travaux franco-canadiens publiés dimanche 17 janvier dans la revue Nature Geoscience, qui revoient à la baisse les estimations précédentes de la fonte moyenne des glaciers de l'Alaska depuis un demi-siècle. Bonne nouvelle : cette perte de masse moyenne aurait été surestimée de près de 50 %. Pour autant, ce chiffre cache une réalité peu enthousiasmante.

Quelle est-elle ? Pour comprendre, il faut remonter aux travaux publiés en juillet 2002 dans la revue Science, par des chercheurs de l'université d'Alaska à Fairbanks. Cette étude, qui fait date, convertissait la fonte des glaciers de montagne de l'extrême Nord américain en contribution à l'élévation du niveau des mers. Selon Anthony Arendt et ses coauteurs, cette contribution avait été en moyenne de 0,14 mm/an entre 1950 et 1995, puis de 0,27 mm/an entre 1995 et 2001. Depuis, la mise à jour de ces travaux, grâce à de nouvelles techniques d'observation, a permis aux chercheurs américains d'aboutir à une contribution moyenne de 0,17 mm/an entre 1962 et 2006.

Images satellites

Dans l'étude publiée par Nature Geoscience, les chercheurs français et canadiens ont mené leur propre évaluation à partir d'images satellites - en particulier celles de Spot-5, obtenues grâce à un financement du CNES, l'agence spatiale française. "Nous avons procédé en utilisant les photos de la même zone, prises depuis deux points différents, explique Etienne Berthier, chercheur (CNRS) au laboratoire d'étude en géophysique et en océanographie spatiales (Legos). Cette vision "stéréoscopique" nous a permis de reconstituer précisément la carte topographique des glaciers d'Alaska."

En comparant les cartes ainsi obtenues avec celles établies dans les années 1960, les auteurs sont parvenus à une nouvelle estimation globale de la perte de masse des glaciers de cette région du monde : celle-ci aurait été équivalente à une élévation des mers de 0,12 mm/an au cours des cinquante dernières années environ. Le nouveau chiffre équivaut à une perte d'épaisseur moyenne de 25 mètres environ sur les 90 000 km2 de glaciers de la chaîne montagneuse en question. Une valeur très inférieure au 0,17 mm/an obtenue par les Américains sur la même période.

Comment expliquer un tel écart ? "D'abord, il y a l'échantillonnage des glaciers, explique M. Berthier. Les travaux précédents extrapolaient les observations obtenues sur une soixantaine de glaciers, aux milliers présents dans les montagnes de l'Alaska." Or rien n'est simple : tandis que certains glaciers s'amincissent rapidement, "d'autres, à haute altitude dans le centre de la chaîne de l'Alaska, ont tendance à s'épaissir", précise M. Berthier. Le choix de l'échantillon est donc cardinal.

A cette première source d'incertitude s'en ajoute une seconde, liée à la méthodologie employée. Une part des observations américaines repose sur des mesures altimétriques aéroportées. Schématiquement, un laser est embarqué dans un avion et mesure la hauteur des glaciers qu'il survole. "Cependant, les avions passent au-dessus des glaciers en cherchant à garder une altitude constante, explique le chercheur du Legos. Ils sont donc obligés de les survoler le long de leur axe longitudinal et ne mesurent en définitive que la variation d'épaisseur en leur centre, à l'endroit où ils sont le plus épais, valeur qui est ensuite extrapolée au glacier dans toute sa largeur." Et alors ? "Il est normal, par simple effet géométrique, que les glaciers perdent plus de glace en leur centre que sur leurs bords, explique Etienne Berthier. D'où l'exagération des pertes."

La mauvaise nouvelle ? "Nos résultats revoient la moyenne établie sur les cinquante dernières années environ, mais rien ne laisse penser que les fortes pertes constatées sur la dernière décennie, correspondant à environ 0,25 mm/an d'élévation du niveau marin, soient inexactes, explique Etienne Berthier. La correction à la baisse que nous apportons ne fait donc en définitive que rendre l'accélération de la période récente encore plus frappante."

Une grande majorité des glaciers de montagne aux latitudes moyennes, qui couvrent de 500 000 km2 à 600 000 km2, se retirent, partout dans le monde, depuis le milieu du XIXe siècle. Les derniers travaux publiés sur la question indiquent que leur fonte participe désormais à environ 1 mm/an sur les 3,3 mm/an d'élévation mesurée du niveau moyen de la mer. Le reste est partagé entre la dilatation thermique des océans (1 mm/an) et la réduction des calottes polaires (1,3 mm/an).

 
Stéphane Foucart


22/01/2010
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